Article Le Monde 20-12-2016 – Une année test pour la sélection en master

Par Camille Stromboni  Le Monde.fr

Une année test pour la sélection en master La réforme de la sélection en master, adoptée lundi 19 décembre à l’Assemblée nationale, va s’appliquer dès l’année 2017, dans un timing serré.

La proposition de loi qui instaure la sélection à l’entrée du master a été adoptée à l’Assemblée nationale lundi 19 décembre. Si le parcours législatif de cette réforme sensible touche à sa fin, sa mise en œuvre dans les universités s’annonce compliquée pour cette année transitoire.
Désormais, les masters – les deux années d’études correspondant à l’ancienne maîtrise suivie de l’ex-DEA/DESS – vont sélectionner à l’entrée de la première année. Jusqu’ici la barrière sélective a perduré entre le master 1 et le master 2. Cette sélection s’accompagne de la création d’un droit à la poursuite d’études pour tout étudiant titulaire d’une licence, qui devra se voir offrir, s’il le demande, trois propositions d’inscription en master par le recteur.

• Un site avec tous les masters dès janvier
Si personne n’est à l’abri d’un bug informatique, la création de la plateforme où figureront tous les masters ne devrait pas poser de grandes difficultés. Les 3 000 masters, délivrés par une centaine d’établissements, y seront affichés, offrant pour la première fois un
Une année test pour la sélection en master La réforme de la sélection en master, adoptée lundi 19 décembre à l’Assemblée nationale, va s’appliquer dès l’année 2017, dans un timing serré.
Camille Stromboni  Le Monde.fr
panorama détaillé de l’offre de formation de deuxième cycle. L’étudiant sera renvoyé vers le site de l’université visée s’il souhaite y candidater.
Les masters de droit et de psychologie seront également en ligne sur cette plateforme Trouvermonmaster.gouv.fr, même s’ils font exception avec un régime dérogatoire leur permettant de rester dans l’ancien système de sélection entre la première et la seconde année de master.
• Le nombre de places et les critères d’admission à définir
Pour pouvoir sélectionner, un master va devoir définir une capacité d’accueil et des critères d’admission. Les conseils de gouvernance des universités auront ensuite à valider ces éléments, dans un laps de temps très limité puisque les processus de recrutement en master commencent dès le printemps. Avec une forte pression sur les équipes pédagogiques qui devront en même temps mettre en œuvre, pour cette année transitoire, le système de sélection actuel à l’entrée du master 2 pour les étudiants de master 1.
Une crainte émerge chez certains de voir les directeurs de master jouer la carte du malthusianisme, dans l’urgence. « Par peur d’être forcés d’accepter des étudiants qui n’auraient pas le niveau, avec le droit à la poursuite d’études, certains pourraient préférer fixer un nombre de places dans la fourchette basse », indique Françoise Lambert, secrétaire fédérale au SGEN-CFDT. « Les recteurs seront chargés d’examiner ces capacités d’accueil », rassure Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, qui tient à rappeler « qu’il n’y a pas de problème de place entre la licence et le master. »
• La véritable inconnue : le droit à la poursuite d’études
Un diplômé de licence, refusé dans les masters qu’il aura demandés, pourra désormais saisir le recteur. Ce dernier devra lui faire trois propositions d’inscription, en tenant compte de son projet professionnel et de son établissement d’origine.
Combien de jeunes demanderont à bénéficier de ce droit à la poursuite d’études ? C’est la grande inconnue, dont dépendra la réalité de
ce droit. Un nombre trop important de prétendants rendrait en effet la mission impossible aux rectorats. Car pour cette année de transition, rien ne sera automatisé. Le recteur n’aura pas une visibilité sur l’ensemble des places restantes dans chaque formation de sa région académique en temps réel. Il devra au cas par cas se retourner vers les établissements qui lui feront remonter les informations. « Pour concrétiser ce droit, il faudra à l’avenir que la plateforme gère les candidatures », juge Jimmy Losfeld, président du syndicat étudiant la FAGE. Mais le délai serré ne permettait pas un tel système dès 2017.
Les multiples calendriers de recrutement des différents masters rendent également la tâche complexe : à partir de quel moment un candidat recalé pourra-t-il demander ses trois propositions au recteur ? Jusqu’ici, chaque étudiant doit gérer lui-même le fonctionnement désordonné des réponses d’admission qui tombent au fil de l’eau, au gré des listes d’attente qui se débloquent et des décisions des jurys de chaque formation.
Reste enfin à déterminer le fonctionnement et le montant de l’aide à la mobilité géographique promise par le gouvernement, pour les étudiants qui obtiendront une place dans un master nécessitant de déménager dans une autre région.
• La droite en embuscade
Chez les élus Les Républicains, le droit à la poursuite d’études est largement décrié comme une « usine à gaz » qui engendrerait un système à deux vitesses, entre les bons masters et des masters « poubelles » (ceux devant accueillir les étudiants recalés). Si les amendements déposés pour supprimer ce droit n’ont pas été adoptés le 19 décembre, les parlementaires de droite promettent de revenir dessus si leur parti revient au pouvoir en 2017. Une pression supplémentaire pour que le dispositif fonctionne au mieux, dès cette année test.

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