Article Dalloz – Sélection en Master 2 des étudiants en droit : le Conseil national des barreaux s’en mêle

Article Dalloz - Sélection en Master 2 des étudiants en droit : le Conseil national des barreaux s’en mêle

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AVOCAT | Formation La commission formation du Conseil national des barreaux a diffusé, la semaine dernière, un communiqué s’inquiétant de la possible absence de sélection des étudiants en droit pour l’accès en Master 2.

Le 10 février 2016, le Conseil d’État a rendu un avis selon lequel l’admission d’un étudiant dans une formation relevant du deuxième cycle (Master 2) ne pouvait faire l’objet d’une sélection que si cette formation figurait sur une liste établie par décret après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) (CE, avis, 10 févr. 2016, n° 394594, Lebon ; AJDA 2016. 235 ; D. 2016. 379 ; ibid. 536, entretien C. Fortier ). Cet avis concerne toutes les disciplines, y compris le droit. Les universités avaient pourtant l’habitude, notamment en droit, de sélectionner tous les étudiants en Master 2 « sur dossier » en vue du passage d’un concours ou d’un examen pour accéder aux professions juridiques et judiciaires. L’avis a provoqué l’émoi dans les facultés, la plupart des universitaires estimant impossible d’accueillir en Master 2 tous les étudiants de Master 1.

Le décret qui doit dresser la liste des Master 2 (M2) dans lesquels il est possible de sélectionner les étudiants, très attendu, devrait être publié dans les prochains jours. Le ministère a, pour cela, notamment demandé aux universités d’établir des listes tout en en exigeant de ne pas dépasser un taux de 30 à 40 % de masters pratiquant la sélection en M2. La conférence des présidents d’université (CPU) a répondu en sollicitant que soit mise en place une possibilité de sélectionner les étudiants à l’entrée en master. Cinq présidents d’université, aux termes d’une lettre ouverte adressée le 8 avril dernier à la ministre de l’éducation nationale et au secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, ont vivement critiqué le décret en préparation, estimant que l’absence de sélection risquerait de conforter un enseignement supérieur à deux vitesses « écoles élitistes d’un côté, universités de l’autre » (V. la lettre ouverte du 8 avril 2016).

Soutien du Conseil national des barreaux

C’est dans ce contexte que le Conseil national des barreaux (CNB), le 7 avril, a pris part au débat. Selon l’instance, « l’absence de sélection pourrait fragiliser l’acquisition par les futurs avocats des connaissances et compétences nécessaires à l’exercice de la profession ». La commission formation du barreau souhaite également que des critères « objectifs » de sélection soient mis en place par les universités. Même si, pour l’inscription à l’examen des écoles d’avocat, un M1 est en théorie suffisant, Elisabeth Menesguen, membre du CNB, considère « que ce n’est pas une raison de ne pas vouloir un niveau d’excellence ». « Nous souhaitons avoir des gens sérieux », poursuit-elle. L’ancienne directrice de l’école du barreau de Paris (EFB) constate qu’il y a « toujours eu une sélection ». « Mais elle doit se faire sur des critères plus lisibles et plus transparents ». Clémence Amara-Bettati, présidente de l’Association des élèves avocats (AEA), rappelle que la plupart des élèves avocats sont titulaires d’un Master 2 à leur entrée à l’école et qu’il est plus simple d’obtenir un stage en cabinet si l’on est titulaire du diplôme.

Paul Cassia, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, considère que la sélection devrait avoir lieu à l’entrée en master. Guillaume Leyte, président de l’université Paris II Panthéon-Assas et l’un des signataires de la lettre ouverte du 8 avril dernier, trouve bienvenu l’appui des avocats. « Il serait bon que les autres professions juridiques aussi manifestent leur soutien en faveur de la sélection en M2 », estime-t-il. Quant aux critères d’admission en M2, il rappelle que la sélection des élèves se fait par rapport au dossier, mais aussi par rapport aux taux d’insertion dans la vie professionnelle. Gilles Roussel, président de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et président de la commission formation et insertion professionnelle à la CPU, estime que le decret ne réglera qu’une partie du problème. « Il faut mettre en place une concertation afin de permettre la sélection dans toutes les situations, pas seulement entre le M1 et le M2. L’objectif de la sélection n’est pas de diminuer le nombre d’étudiants, mais il ne sert à rien de les former dans des matières où il n’y a pas beaucoup de débouchés », estime-t-il.

« Un manque de base légale »

L’avocat bordelais Florent Verdier, qui s’est spécialisé dans la défense des étudiants et a obtenu la décision du Conseil d’État, avoue avoir été « surpris » par le communiqué du CNB. « Je trouve étonnant que le CNB ne rappelle pas qu’il faut respecter le droit ». Car pour lui, le problème n’est pas la sélection en elle-même, mais l’absence de texte listant les formations sélectives, conformément à l’article L. 612-6 du code de l’éducation. « Le gouvernement a demandé aux universités de donner la liste des masters dans lesquels ils souhaitaient sélectionner les étudiants. Or, les universités ont listé tous les masters, alors qu’il est contre la philosophie de ce gouvernement que tous les Masters 2 soient sélectifs. Il a donc été demandé aux universités de ne faire figurer que 30 à 40 % des M2 sur la liste des formations sélectives ». C’est précisément ce qui est contesté par les présidents d’université, qui prévoient, malgré l’avis et malgré le décret à venir, de continuer à sélectionner leurs étudiants dans tous les master 2, et menacent même, comme à Toulouse, de fermer les masters.« Il est également faux de dire que les critères de sélection sont objectifs », ajoute-t-il.

  • Communiqué du CNB

par Anne Portmann

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