Le Maire doit-il autoriser ou interdire les crèches de Noël ?

A l’approche de Noël il est important de faire un point sur ce que peut faire un Maire ou un Président d’une Collectivité Territoriale aux regards des jurisprudences divergentes du juge administratif sur la question des crèches de noël dans les bâtiments publics.

C’est le principe de neutralité du service public à l’égard des religions qui chapote l’édifice juridique de la question de l’implantation des crèches de noël.

Ce principe est contenu dans l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 :

« Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. ».

Une crèche de noël est-elle un « emblème religieux » au sens de la loi?

Sur la question, les juges administratifs sont pour le moment divergents :

CAA de Paris, 8 octobre 2015 « Fédération Départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne » n° 15PA00814 :

» si la commune fait valoir que la crèche litigieuse est de taille limitée et n’est pas implantée de manière ostentatoire ou revendicative, il est constant que celle-ci est installée dans une niche située sous un porche permettant le passage de la cour d’honneur de la mairie de Melun à un jardin public situé derrière et est donc comprise dans l’enceinte du bâtiment public que constitue cet Hôtel de ville ; que contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, une crèche de Noël, dont l’objet est de représenter la naissance de Jésus, installée au moment où les chrétiens célèbrent cette naissance, doit être regardée comme ayant le caractère d’un emblème religieux au sens des dispositions précitées de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et non comme une simple décoration traditionnelle ; que, par suite, son installation dans l’enceinte d’un bâtiment public est contraire à ces dispositions ainsi qu’au principe de neutralité des services publics ; »

CAA de Nantes, 13 octobre 2015 « Département de la Vendée » n°14NT03400 :

« Il ressort des pièces du dossier que la crèche sur laquelle porte la décision contestée, installée dans le hall de l’hôtel du département, est constituée de sujets représentant Marie et Joseph accompagnés de bergers et des rois mages entourant la couche de l’enfant Jésus ; que toutefois, compte tenu de sa faible taille, de sa situation non ostentatoire et de l’absence de tout autre élément religieux, elle s’inscrit dans le cadre d’une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël et ne revêt pas la nature d’un « signe ou emblème religieux » ; que, par suite, elle n’entre pas dans le champ de l’interdiction posée par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 alors même qu’elle ne se rattache pas à un particularisme local, et ne méconnaît ni les dispositions de cet article ni les principes de liberté de conscience et de neutralité du service public ».

Selon l’Association des Maires de France, « La présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est pas, du point de vue de l’AMF, compatible avec la laïcité. Elle relève toutefois que la jurisprudence administrative est, encore à ce jour, discordante sur ce sujet. »

Cette frilosité de l’AMF est exagérée au regard des incertitudes jurisprudentielles. Le Conseil d’Etat sera saisi et rendra définitivement sa décision mais avant celle-là, il n’y a pas lieu d’autoriser ou d’interdire automatiquement l’installation d’une crèche pendant les semaines de décembre. Pour contrer les incertitudes actuelles, il est possible d’envisager de mettre à l’ordre du jour d’un conseil la question de l’installation des crèches et de procéder au vote de l’organe délibérant de la Collectivité pour « sentir » le pouls de la Collectivité. Selon la majorité qui se dégage, le représentant légal de la Collectivité, sans être en situation de compétence liée, pourra choisir ou pas d’autoriser une crèche dans les bâtiments publics. Il s’agit d’une situation à apprécier au cas par cas.

Retour en haut