Protection des noms des collectivités territoriales associées aux produits industriels et artisanaux

Revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat sur la notion d'usage local

ADMINISTRATIF | COLLECTIVITE TERRITORIALE | PROPRIETE INTELLECTUELLE

L’affaire Laguiole avait suscité de nombreuses inquiétudes de la part des élus locaux et il devenait impératif de prévoir une protection des dénominations des collectivités (communes, départements, régions) lorsqu’elles sont utilisées à des fins commerciales.

En effet, les collectivités territoriales ont un nom et une réputation qu’il convient de protéger contre les initiatives des tiers qui, en reprenant leur nom dans une marque, pourraient les empêcher de tirer profit de la commercialisation de leur nom (préjudice économique), ou nuire à leur prestige ou à leur réputation en associant ce nom à des produits de nature ou de qualité douteuses (préjudice moral).

A cette fin, l’article L. 712-2-1 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi « Hamon » sur la consommation du 17 mars 2014 permet aux collectivités territoriales de mieux défendre leurs noms lorsqu’ils sont associés à des produits artisanaux ou industriels :

« Toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l’Institut national de la propriété industrielle [INPI] d’être alerté en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant sa dénomination, dans des conditions fixées par décret.

Les conseils régionaux, la collectivité territoriale de Corse et les conseils généraux peuvent demander à l’Institut national de la propriété industrielle d’être alertés en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant un nom de pays se situant sur leur territoire géographique, dans des conditions fixées par décret. »

La loi « Hamon» a ainsi créé au bénéfice des collectivités territoriales, un droit dit «d’alerte» et a étendu à leur profit la procédure d’opposition qui, auparavant, ne bénéficiait qu’aux antériorités constituées par une marque.

Deux décrets d’application ont été publiés récemment pour faire entrée en vigueur le dispositif :

1. Décret n° 2015-595, 2 juin 2015
2. Décret n° 2015-671, 15 juin 2015

Le premier Décret précise les modalités de dépôt des demandes d’homologation ou de modification des cahiers des charges d’indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux et de leur examen par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Le texte organise en outre les procédures de consultation et d’enquête publique menées pendant l’instruction des demandes d’homologation.

Enfin, il prévoit les conditions d’opposition à l’enregistrement d’une marque pour les collectivités territoriales et les titulaires d’une indication géographique.

Le second décret fixe les modalités de la procédure d’alerte des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale par l’Institut national de la propriété industrielle sur le dépôt de marque contenant leur dénomination.

Il prévoit que la demande et l’alerte sont adressées par voie électronique.

Pour aller plus loin, on précisera que le choix comme marque du nom d’une collectivité territoriale ne constituera une antériorité que s’il est fautif.

De manière très concrète, lors du dépôt d’une marque, l’INPI ne vérifie pas si le signe est disponible. L’action est laissée à la diligence du titulaire d’une antériorité.

Toutefois, lorsque la marque reprend une appellation d’origine, la jurisprudence considère que son dépôt est illicite, les textes régissant les appellations d’origine interdisant le dépôt d’une marque, ce qui permet à l’INPI de le rejeter (article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle).

Cette solution sera étendue à toutes les indications géographiques.

Si l’antériorité est constituée par une marque ou, désormais, par le nom d’une collectivité territoriale, son titulaire peut bénéficier de la procédure d’opposition (L. 712-4 du même code).

S’il a laissé passer les délais ou encore si son action n’a pas abouti, il pourra toujours intenter une action en nullité après l’enregistrement de la marque litigieuse.

La procédure d’opposition étant réservée aux titulaires de marque et aux collectivités territoriales (art. L. 712-4), les titulaires d’autres antériorités ne peuvent intenter qu’une action en nullité.

Il s’agit d’une nullité relative: l’action est donc réservée au titulaire du droit protégé (ici l’antériorité) et elle se prescrit par cinq ans (art. L. 714-3 du même code).

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