La réparation des fautes médicales

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L’Express.fr révèle qu’une femme a dû être amputée de quatre membres après avoir contracté une infection nosocomiale au cours d’une IVG qui s’était pourtant bien déroulée.

L’infection n’aurait pas été immédiatement diagnostiquée par le service des urgences après que la patiente soit revenue le lendemain de l’intervention, si bien que le retard a permis à l’infection de se développer gravement.

A la lecture de l’article, tout porte à croire que deux fautes médicales puissent être imputables à l’Hôpital :

– La maladie nosocomiale qui a infecté le sang de la patiente au cours d’une intervention médicale
– L’erreur de diagnostic retardant l’administration des soins contre cette septicémie

Sans pouvoir connaître les causes et origines de ces fautes, il est permis de répondre à la question de savoir comment la victime va pouvoir obtenir réparation.

Il ne sera pas fait état de l’information judiciaire ouverte par un juge d’instruction sur une probable réquisition du parquet ou d’un dépôt de plainte de la victime.

Il sera simplement évoqué la réparation du préjudice subi dans un établissement de santé, non la sanction pénale susceptible de punir les violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente au sens de l’article 222-9 du code pénal.

1. LA REPARATION AMIABLE

Avant de saisir un Tribunal, une première tentative de réparation auprès de l’établissement de santé peut être tentée.

En exposant la situation, la victime adresse une demande de réparation directement à l’Hôpital ou à la clinique qui répondra, ou pas.

L’établissement peut alors mettre en place une médiation entre le médecin ou l’équipe médicale concernée et la victime assistée d’un médecin conseil et de son avocat.

Si l’établissement de santé refuse de réparer à hauteur des demandes ou minimise sa responsabilité, la victime pourra alors se tourner vers un organisme spécifique.

En effet, la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, a chargé l’Oniam d’indemniser les victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes, des infections nosocomiales et des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale.

La saisine s’effectue par le formulaire disponible sur le site de l’ONIAM ou par courrier. Il s’agira de décrire les conditions de survenance du dommage et ses conséquences préjudicielles, le tout, appuyé par des documents justificatifs.

Une fois saisie, l’ONIAM mandate l’une de 8 commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) pour instruire le dossier.

La procédure commence par une expertise réalisée par un médecin choisi par la CRCI à laquelle sont conviés l’Hôpital et la victime, accompagnés de leurs représentants et avocats.

A l’issue du rapport d’expertise, si les conditions d’indemnisation sont respectées, la Commission propose à l’Hôpital d’allouer un certain montant à la victime.

Libre pour l’Hôpital d’accepter ou refuser tant le principe de l’indemnisation que son montant.

Si l’Hôpital refuse, le Juge pourra être saisi.

2. LA REPARATION JUDICIAIRE DE LA FAUTE MEDICALE

Le cas exposé par l’article se déroule au sein d’un Hôpital public. La maladie nosocomiale a été contractée lors du séjour de la patiente et l’erreur de diagnostic a été perpétrée par un ou des médecins du service des urgences. Sur le plan juridictionnel, la juridiction administrative sera compétente.

Mais il se peut que l’établissement de santé soit une clinique privée ou que le médecin agisse en qualité libérale. Ce sera alors devant le juge judiciaire qu’il faudra se tourner.

Dans l’un et l’autre cas, les articles 145 du code de procédure civile et R. 532-1 du code de justice administrative permettent à la victime de demander aux juges qu’un médecin expert près la Cour d’Appel du ressort du Tribunal concerné rende une expertise médicale détaillée.

Au cours d’un ou plusieurs « accedit » (réunion d’expertise), l’expert pourra se faire aider par tout médecin de son choix.

L’expert entendra les parties, se fera remettre le dossier médical et tous documents utiles, analysera les conditions d’intervention, décriera les causes du dommage, arrêtera la date de consolidation du dommage, établira la liste des préjudices en leur attribuant un taux selon un barème prédéfini et utilisés par les Tribunaux et Cours (Nomenclature Dinthillac), indiquera s’il y a eu faute ou pas.

Pour les maladies nosocomiales, la faute est présumée, la victime n’aura pas besoin de prouver celle-ci. Pour la faute médicale, la victime doit la démontrer. Chose impossible pour les néophytes, d’où l’importance d’une bonne expertise.

L’expert pourra communiquer ensuite un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif

Enfin, il remettra son rapport au juge. Dès lors, les parties disposent d’un délai court pour faire part de leurs observations.

C’est sur la base de ce rapport que l’avocat va établir le montant de la réparation.

Il ne faut jamais oublier qu’une expertise ne lie pas le juge. Ce dernier peut toujours s’en détacher même si dans la réalité, c’est ce document qui sert de fondement à la décision.

La victime et son avocat pourront toujours fonder par leurs propres moyens les demandes.

Devant le juge judiciaire, la demande de réparation s’effectue par voie d’assignation contre l’établissement de santé et/ou le médecin par laquelle la victime les attrait à la barre du Tribunal.

Devant le juge administratif, une simple requête introductive d’instance devra être déposée mais au préalable, il conviendra obligatoirement de présenter une demande indemnitaire à l’Hôpital public. Sans ce préalable obligatoire, l’action devant le juge sera irrecevable si le défendeur l’oppose à titre principal.

Avant cette saisine du juge et si les contestations sur les fautes médicales ne sont pas suffisamment fondées, une demande de provision à valoir sur le montant total de la réparation peut être formulée devant le juge.

Dans tous les cas, l’assistance et la représentation d’un avocat est fondamentale pour accroître les chances de succès.

3. LES POSTES DE PREJUDICES

En matière de préjudice corporel, on distingue 2 grandes catégories : les préjudices patrimoniaux et les préjudices extra-patrimoniaux.

Au sein de ces catégories, on classe par objet les demandes de réparation. Il est ainsi habituel de trouver les postes de préjudice suivants :

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Périodes pendant lesquelles la victime a été dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles.
La période d’hospitalisation complète où la victime a été immobilisée fera l’objet d’un DFT à 100% (Total) ; La période de repos à domicile ou dans un centre spécialisé fera l’objet d’une DFT de 75, 50, 25 % si les activités sont petit à petit reprises.

Pertes de gains professionnels actuels

Périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle.

En cas d’incapacité partielle, le taux et la durée des arrêts de travail doivent être précisés au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l’organisme de sécurité sociale).

Déficit fonctionnel permanent (DFP)

Après la consolidation, le déficit fonctionnel permanent est défini comme une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales ou des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement.

Le DFP est au préjudice corporel ce que le taux d’invalidité est à l’handicap.

Pertes de gains professionnels futurs

Le déficit fonctionnel permanent peut entraîner l’obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou changer d’activité professionnelle.

Dépenses de santé futures

Soins futurs et aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule). Il faudra préciser la fréquence de leur renouvellement.

Assistance par tierce personne

Assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne. Il conviendra de préciser la nature de l’aide à prodiguer et sa durée quotidienne.

Incidence professionnelle

Si le déficit fonctionnel permanent entraîne d’autres répercussions sur l’activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans l’activité, « dévalorisation » sur le marché du travail, etc.).

Souffrances endurées

Souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation). Evaluation sur une échelle de 1 à 7.

Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif

Si l’accident a provoqué un préjudice esthétique, il faut distinguer préjudice temporaire et préjudice définitif. Application de l’échelle de 1 à 7.

Préjudice d’agrément

L’empêchement en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir. Il faut réunir toutes preuves des activités qu’on a dû cesser.

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Tous ces postes ne sont que les exemples que l’on rencontre fréquemment dans les dossiers de réparation de préjudice corporel.

La liste n’est ni exhaustive ni limitative.

Il appartient à la victime et à son conseil d’identifier toutes les répercussions de l’accident en lien avec une faute médicale.

A chaque poste est alloué un montant en fonction de divers paramètres qu’un avocat est en mesure de connaître et d’attribuer.

Pour finir, le délai de prescription de l’action en responsabilité est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

En effet, l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale pour l’exercice des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale.

Florent VERDIER

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